Au son du balafon ( djéguélé)
Il y a dans le monde un certain nombre d’instruments qu’on peut sans hésitation, qualifier d’emblématiques, tant ils sont représentatifs soit d’une ethnie, soit d’une nation dont l’identité s’est construite plus ou moins consciemment sur des bases culturelles. C’est, de façon évidente, le cas du balafon pentatonique des Sénoufo, important groupe ethnique géographiquement partagé entre le Burkina Faso, le Mali et la Côte-d’Ivoire. Cet instrument impressionnant — grand xylophone sur cadre, avec sous chaque lame un résonateur en calebasse — a des cousins dans les ethnies voisines : le « petit » balafon heptatonique des griots malinké, auquel il doit son nom français</span>, le balafon pentatonique des Bobo, à la gamme toute particulière et au sommier concave, ou encore celui des Lobi, pour ne parler que des plus proches parents.
Mais son accordage, identique à celui des très anciennes et très respectées harpes-luths de la confrérie des chasseurs peuls, malinké, sénoufo et bambara du Wassolon, entre Mali et Guinée, de l’est du Burkina Faso et du nord de la Côte-d’Ivoire, l’a naturellement fait apprécier bien au-delà de son groupe ethnique d’origine. Il est d’ailleurs facilement assimilable même pour l’oreille du public européen ou américain (les modèles tempérés pour être joués dans des musiques syncrétiques sur les scènes occidentales offrent, dans des échelles variables, des écarts du type do-ré-mi-sol-la-do). Bien des virtuoses du balafon sénoufo, dont l’art s’est épanoui en milieu urbain, notamment dans les cabarets où se vend la bière de mil, sont aujourd’hui Bobo, Bambara ou Malinké : ils habitent Sikasso ou Bobo Dioulasso et, s’ils s’expriment tous facilement en dioula, un dérivé du bambara, la langue sénoufo leur est souvent inconnue. Tous reconnaissent pourtant sans hésitation l’appartenance ethnique de leur instrument même si, dans le Kenedougou et le Baninko, au sud-ouest du Mali, Sénoufo, Bobo et Bambara vivent souvent en communautés étroites, au point qu’aujourd’hui les brassages culturels rendent parfois difficiles les recherches ethnomusicologiques. Tous savent aussi qu’il existe des régions privilégiées où les traditions sont restées très vivaces et où le balafon est demeuré attaché aux principaux rites de passages.
C’est précisément d’une de ces aires culturelles que traitent les quatre films de Hugo Zemp. Nous sommes dans la région de Korhogo, au nord de la Côte-d’Ivoire, en plein pays majoritairement et authentiquement sénoufo, à la découverte du rôle joué par le balafon dans les funérailles et lors de l’enterrement (Fêtes funéraires) ; à l’occasion des travaux collectifs dans les champs et des concours amicaux de labours, lors des cérémonies liées aux classes d’âge et à la société initiatique du Poro, lors de la messe chez les catholiques et pendant les soirées dansantes des jeunes Sénoufo (La joie de la jeunesse). Là, lors des fêtes funéraires, à la différence de ce qui se fait au Mali et au Burkina Faso — où les balafonistes jouent par deux sur des instruments comptant de 19 à 23 lames, et le plus souvent assis, accompagnés par des joueurs de bara ou de kenkeni — les orchestres de balafons sont constitués par trois balafonistes jouant sur des instruments portables de plus petite taille (à 12 ou 13 lames), par un joueur d’une grosse timbale dun en bois, la « timbale pileuse » au timbre très grave, tendue d’une peau de vache alourdie par une pâte à base de caoutchouc fondu, et par plusieurs joueurs de petites timbales dites « preneuses », en bois également, mais tendues de peaux de chèvres. SOURCE
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